DE LA TRANSMUTATION PAR L'ALLÈGEMENT
…......................................................................................................................... Comme n'importe quel corps qui se transforme avec l'âge, la matière à sculpter n'est pas moins soumise à cette manœuvre d’élagage : mes mains qui façonnent et qui laissent tomber toutes protubérances perturbant l'équilibre. Sous cette force de capture, les pleins devenus hiatus laissent place à ce vide où se perdent les regards dans la résurgence d'une mémoire qui sait bien ce qui manque. Malgré les enfonçures, les forures, les fractionnements et les cavités, le vide, comme une absence de ce qui était, n'existe plus réellement. C'est pourtant de ce dépouillement qu'émerge une nouvelle structure. Je dois retirer ce qui brouille la forme pour la faire apparaître. Le sujet à sculpter, dans sa métamorphose, me donne ce droit, alors rien ne sert d'être timide quand il faut alléger le poids de l’être. Soumises à mes doigts, la matière se laisse pétrir jusqu'à l'embrasement métamorphique d'une pensée suspendue dans le monde des idées. Je peux transformer l'argile que je suis, limon de la Terre. Chaque sculpture porte en elle l'histoire de ce dépouillement dans l'attente immobile d'une opposition harmonique des bosses et des creux. Tout part habituellement d’une image, de ce que la photographie me révèle comme échantillon de réalité primaire. Une précision se dégage de plus en plus assurée, telle une force tranquille qui n'attend de moi qu'un élan d'émergence du contenu en désir. De par mes plans picturaux, car je peins tout autant, se trouve un geste répété plus ou moins éloigné qui marque le début d’une phase transformatrice. Ces macules de couleurs, telles une histoire racontée, deviennent un moyen de délivrance. Elles redéfinissent tout, tout comme elles évoluent. Dans ce processus de transfiguration, je suis matière à transcendance. Laissant place à plus de lumière qui éclaire les failles et révèle les ombres, ces percées salvatrices d'instinct lumineux m'élèvent et m'invitent à créer, vers la fin de cette manœuvre de reconstruction, à partir d'un substrat magnifié.
Aujourd’hui, j’harmonise ce qui était en attente d’actualisation. Demain sera une nouvelle avenue, la suite évolutive de mon cheminement.
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